Moosburg Online: www.moosburg.org Stalag VII A
Stalag VII A: Témoignages


Georges Feuillet


Source:
Aétius: Kriegsgefangener - Prisonnier de guerre
Reproduction avec permission de © Jacques Legrand.

Récit de Georges Feuillet

434 Régiment de Pionniers
Campagne 1939-40-41-42-43...
Passages et captivité

1939

Mobilisé le 7 septembre et arrivé à Granville le même jour ; là nous avons été habillés et équipés du matériel de guerre.
Nous sommes partis pour le Nord le 13 septembre et arrivés à Salesches le 15. Là nous y avons fait de l'exercice et des tranchées pour les civils. De là nous sommes partis à Gommegnies le 11 octobre pour y faire des tranchées antichars, sur les chantiers de la Boëte-Cambrésis (?) et le Pisotiau (?).De là nous sommes descendus dans le Centre le 19 décembre et arrivés à Charost le 21. De Charost nous allions à Bourges fabriquer des obus ; nous prenions le train matin et soir.

1940

Le 2 février, je partais en perm' de dix jours et le 26 février nous partions pour Bourges et rentrions en caserne quartier Carnot, mais toujours pour faire des obus.
Le 1er mai, nous sommes remontés dans l'Est, à Chaligny (Meurthe et Moselle) ; nous y sommes arrivés le 2 mai.
Là j'ai eu mal aux mains et le 6 je partais pour l'hôpital de Senoncourt avec le copain Descoqs. Nous y sommes restés 17 jours, et comme la bagarre éclatait le 10 mai, je n'ai pu avoir de "convalo", alors le 23 mai j'ai rejoint mon régiment à Lidrezing. Là j'y ai été 8 jours ; je ne faisais rien que de prendre la garde 4 heures par jour.
De là nous sommes partis pour Moncel sur Seille le 2 juin et le parcours étant long, nous avons couché à Chambrey et sommes arrivés le 3 à Moncel. Là nous étions tranquilles ; nous n'avions qu'un peu de garde à prendre tous les deux jours. Mais là nous étions déjà mal partis, les ennemis venaient essayer de bombarder et le 14 juin il a fallu partir. C'était déjà le début de la défaite. Ce jour 14 juin nous avons réuni tout le bataillon à Salonnes et nous sommes allés coucher à Bezanges (la Grande ?) pour aller à Rehainviller auprès de Lunéville, soit 40 km, et le 16 nous repartions pour Xemerviller (?). Le matin vers 7 heures nous avons été obligés de nous cacher dans une forêt vu que les avions ennemis et l'artillerie polonaise se battaient et nous ne sommes sortis qu'à 8 heures le soir et arrivés à Xemerviller (?) dans la nuit. Là nous y sommes restés une journée et demie et nous n'en sommes partis que le lendemain 17 juin pour aller coucher la nuit dans la forêt de la Chipotte. Là nous avons eu peur : le 18 au matin l'artillerie brûlait ses derniers obus et nous on croyait que c'était les Allemands. "Drôle de réveil" et dans la journée qui était le 19 nous sommes allés nous rendre dans la forêt des Rouges-Eaux où nous avons été faits prisonniers le 21. Là nous y sommes restés 5 jours et déjà je me faisais soigner les pieds. Le 24 juin nous partions pour Villé où nous avons couché dans des wagons à bestiaux gardés par les Allemands et rendu les armes à Létuges (?). Le lendemain nous prenions le train pour Sélestat et l'après-midi nous arrivions dans le camp de Bahdensheim (Baldenheim ?). Là nous y sommes restés 9 jours. Pour moi, je ne pouvais plus aller plus loin et j'étais obligé d'aller me faire soigner les pieds à l'infirmerie.
Le 4 juillet les copains sont partis pour Strasbourg, mais je ne sais où ils sont vu que moi je suis resté à l'infirmerie pour qu'ils me transportent en auto à l'hôpital de Châtenois (Haut Rhin). Là j'y ai été 3 jours et pour dire sans soins. Mais le dimanche 7 je partais pour l'hôpital Gourgot (?) à Strasbourg. Pour faire le voyage, j'étais sur un brancard suspendu dans l'ambulance. Dès mon arrivée à la permanence, plusieurs majors sont venus voir mon triste état car j'avais les pieds en bouillie. Lorsqu'ils ont eu vu, l'infirmier m'a ôté les anciens pansements et m'a nettoyé les pieds avec de l'alcool à 95. Là ils m'ont fait souffrir, mais après 3 à 4 jours de soins, ça allait mieux ; mais je suis resté 11 jours sur le brancard sans bouger.
Lorsque j'ai été presque guéri de mon eczéma, j'ai été pris de douleurs du côté droit et le 25 juillet je suis passé à la chirurgie pour qu'ils me fassent un examen vu que c'était un dépôt de sang pourri qui s'y trouvait. Cela s'appelle une aréopathie (?).
Et le 8 août il a fallu recommencer le même travail ; cette fois j'ai eu 40 et 4 dixièmes de fièvre. Alors je crois que je peux dire que j'ai passé deux mauvais mois. Quand j'ai été guéri, je suis sorti de l'hôpital le 24 août pour rejoindre la caserne du Grand Desnon (Grand Donon ?).
Là j'y suis resté un mois et le 26 septembre nous partions pour l'Allemagne et le 27 nous arrivions à Moosburg, dans le stalag VII A. Là nous sommes passés à la fouille et la nuit nous avons couché sous les tentes. Nous y avons eu froid et les dernières nuits nous étions dans les baraques.
Au stalag nous n'y sommes restés que 5 jours et le 6 octobre nous partions au kommando 2308 pour le nettoyage de rivière. Là nous logions chez M. Fisch et nous y étions nourris. Ce hameau s'appelle Kolbach, en Basse Bavière, pays où il fait froid pendant 4 mois.
Le 8 décembre je suis tombé sur la glace et me suis foulé le poignet droit et je suis resté 13 jours sans travailler. Le 2 décembre je recevais la première lettre, à 4 jours près cela faisait 6 mois que j'étais sans nouvelles.
Je me demandais ce que vous deveniez tous, mais ce 2 décembre j'étais rassuré et depuis j'ai des nouvelles tous les 8 jours qui me rassurent et chassent le cafard. À Noël nous avons eu trois jours de repos et au jour de l'an nous avons eu 2 jours.

1941

À Pâques nous avons eu 4 jours de repos. Cette semaine sainte a été froide et il est tombé de la neige pendant huit jours. À Noël-Pâques nous avons eu la messe et nous l'avons chaque dernier dimanche du mois. Le 1er mai nous avons eu repos et ce jour là personne ne travaille. Le dimanche 4 mai nous avons eu la messe à 10 heures et demie et nous avons fait nos Pâques. Le jour de l'Ascension nous avons travaillé. Le jour de la Pentecôte nous avons eu la messe à 11 heures et le lundi nous avons eu repos.
Le 15 juin le gardien nous a demandé si nous avions des frères prisonniers en Allemagne. J'ai répondu oui et il nous a donné du papier pour écrire. Alors comme maman m'a écrit au mois de mars et m'avait donné leur adresse, je leur ai passé un mot à chacun et il m'ont répondu plusieurs fois.
Au mois d'août nous avons quitté le travail du canal pour aller aider à rentrer la moisson. Pour moi j'étais heureux ; j'étais chez un petit propriétaire. J'ai regretté ma place. La moisson finie nous avons repris le travail du canal, mais seulement pour une semaine vu que le 1er septembre nous avions la nouvelle que nous rentrions au stalag pour aller dans une certaine direction, mais la quelle ? On ne savait pas...
Alors le 8 septembre nous quittions Kolbach et nous arrivions le soir au stalag. Nous y sommes restés 4 jours et le 12 septembre nous arrivions à Schildthurn dans le kommando 1950. Je travaillais avec un copain dans une ferme de 30 hectares chez une vieille dame qui avait 79 ans. Le travail n'était pas trop dur.
Le 11 novembre nous avons eu repos ainsi que le 8 décembre. À Noël nous avons eu 3 jours et demi de repos. La veille de Noël nous avons fait réveillon à 11 heures. Nous sommes allés chercher nos conserves et nous avons fait un bon repas ; nous avions chacun 2 litres de bière. Après nous avons chanté et nous nous sommes couchés à 2 heures du matin. Comme cadeau de Noël, notre patronne nous a donné chacun 1 paquet de tabac, 1 de cigarettes et un cigare.

1942

Cet hiver 1941-42 nous avons eu du temps très froid. Il est tombé près d'un mètre de neige qui a duré 3 mois. Le matin et le soir nous avions deux kilomètres à faire à pied dans cette neige.
Au mois de février j'ai été repris d'eczéma. Je suis allé deux fois chez le docteur qui ne m'a pas reconnu (assez malade), alors il fallait travailler quand même.
Le premier août j'ai eu le même mal dans le fond de la main gauche ; je suis retourné chez le docteur qui m'a donné deux jours de repos et des bains à prendre. Mais comme le garde et ma patronne étaient d'accord, ils ont voulu me faire travailler le deuxième jour ; mais moi j'ai refusé. Le 15 août nous avons travaillé comme les autres jours. Le 16 août j'ai demandé au garde de me conduire chez le docteur ; il a refusé, mais le surlendemain il m'y a conduit, et je n'ai pas été reconnu.
Au mois d'octobre 1942 je suis resté deux jours de mal aux reins et au mois de novembre je suis resté 3 jours de rhumatismes. Pendant trois jours il a fait très froid et la neige a commencé à tomber. Mais au bout de 15 jours elle a fondu.
Menu de Noël 1942Le 25 décembre nous avons eu un bon réveillon : nous n'avons pas couché, chacun a chanté sa petite chanson après un bon repas. Le lendemain après-midi nous sommes allés au théâtre à cinq kilomètres de Schildthurn, soirée donnée par plusieurs copains de ce kommando. C'était très bien. Le lendemain c'était dimanche, alors cela nous a fait 3 jours de repos.

1943

Au jour de l'an nous avons eu deux jours de repos. Pendant le mois de janvier le copain a été 15 jours à l'hôpital et à la fin du mois moi j'ai encore été repris du mal aux mains. J'ai été chez le docteur qui m'a donné 2 jours ; mais sa drogue, cela ne m'a rien fait. Au bout de 10 jours j'y suis retourné, il ne m'a pas reconnu. L'officier de contrôle avait parlé de me conduire au stalag, mais pour cette fois il n'en a rien été. Je suis seulement resté 3 jours sans travail.
Au mois de mars, j'ai encore été repris du même mal. Le 13 je suis allé chez le docteur qui ne m'a pas reconnu et il fallait toujours travailler. Mais vu le bon poste que l'on avait, je suis resté 6 jours sans travail et j'ai écrit au stalag pour essayer d'y rentrer. Mon mal ne guérissait pas. Demandé à aller chez le docteur ; cette fois il m'a reconnu et m'a fait retourner au camp. Je suis parti du kommando le 22 mars et arrivé au camp le soir. Le lendemain je suis passé devant le docteur qui m'a mis exempt de service jusqu'au 15 avril et je me faisais soigner par le docteur polonais spécialiste pour la peau. Au camp j'ai vu beaucoup de copains de la Manche, ce qui faisait plaisir de se revoir.
Le 24 avril je suis repassé devant le docteur allemand et il m'a mis bon pour le travail.
À plusieurs reprises j'ai demandé à changer de kommando et on m'a refusé.
Alors le 4 mai je suis reparti pour travailler dans mon ancienne ferme. Au bout de 15 jours je suis parti de chez ma vieille avec le copain à cause de bruit (mésentente).
L'officier de contrôle nous a priés d'y retourner ; nous avons obéi. Mais au bout de huit jours nous avons recommencé vu qu'elle nous faisait faucher sous la pluie et disputait tous les jours.
Et là j'ai changé de place. Je suis dans une ferme chez des jeunes gens qui sont très braves ainsi que leurs parents. Dans cette ferme il y a 20 hectares de terre. Le 8 août j'ai encore eu mal aux mains et le docteur m'a hospitalisé dans un hôpital civil à 2 kilomètres du kdo et je suis sorti le 22 août.

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Georges Feuillet

Notes

Stalag : Stammlager : camp pour hommes de troupe. [X]

Kommando : « chaque stalag a sous son administration plusieurs kommandos dispersés dans la région où il est implanté. Dans les premiers mois, chaque kommando agricole formé d'une vingtaine d'hommes est logé dans une baraque à l'écart du village et sous la surveillance de posten. Officiellement, les prisonniers rejoignent leur baraque chaque soir et à heure fixe. En réalité, à partir de novembre 1944, ils jouissent d'une liberté presque complète. Certains restent à la ferme et prennent la place de l'absent (mobilisé), y compris dans le lit de la fermière, veillant même à l'éducation des enfants. D'autres passent leurs soirées à jouer aux cartes ou à discuter dans le petit café du village. Tout le monde les connaît par leur nom ou leur prénom et accepte en riant leurs tirades contre Hitler et le régime. Il est vrai aussi que l'on compte un peu sur leur présence pour protéger les personnes et encore plus les biens dans la perspective d'une occupation militaire que l'on commence à envisager.» (La France pays occupé & Le dernier hiver de la guerre, Tallandier 1979 & 1988). [X]

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